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L’horloge prolétaire

26 Juin 2022 | 0 commentaires

Si Londres s’enorgueillit de son horloge si réputée, nous avions à Bacalan une toute autre façon de savoir l’heure…
Dès huit heures du matin, les sirènes sifflaient l’embauche au port autonome et à l’usine à gaz. Les enfants se préparaient pour aller à l’école.
Par temps de brouillard, la circulation sur le fleuve était ponctuée par des signaux acoustiques (deux coups brefs : je passe à tribord ; un coup long : je vous ai compris, je passe à bâbord).
Ainsi commençait la journée…
À dix heures trente, la marchande des quatre saisons passait dans la rue et proposait ses légumes. Les ménagères s’approvisionnaient et discutaient sur le trottoir. C’était plus pratique qu’aujourd’hui où il faut prendre la voiture pour aller au supermarché.
À dix heures quarante-cinq, le boulanger Larrère livrait son pain, klaxonnait pour signaler sa présence, ou déposait le pain entre les volets (pour ceux qui travaillaient) et récupérait la monnaie déposée sur le rebord de la fenêtre, dans le petit pot de verre.
À onze heures, arrivait le père Chapeu, le deuxième boulanger qui livrait son pain avec sa traction.
À douze heures, retentissait le sifflet à vapeur du Port, qui indiquait la fin du travail matinal.
À treize heures, les époux Vidou livraient le lait sur une charrette tirée par un cheval. La mesure se faisait à l’aide d’un doseur d’un litre. Le lait était stocké dans des gros bidons métalliques. Aucun plastique à jeter comme aujourd’hui.
À quatorze heures, les ouvriers reprenaient le travail.
Dans l’après-midi, une voix retentissait : « La gueil ! ferrail ! peau de lapin ! peau… »
Certains jours, passait le vitrier qui s’annonçait.
À dix-huit heures, les sirènes sifflaient la fin de la journée. Les rues s’animaient d’ouvriers rejoignant leur domicile à pied ou à vélo. Certains faisaient une halte pour boire la chopine (37,5 cl) et discuter avec les copains.
Puis venait le calme plat, sauf aux beaux jours où les fenêtres ouvertes laissaient passer un air de Charles Trenet.
Le dimanche, la cloche de l’église sonnait l’heure des offices : six heures la première messe, onze heure trente la grand-messe, seize heures les vêpres. Entre temps, vers onze heures, passait la fanfare avec ses majorettes (Le Réveil Bacalanais).

Lire aussi :  Pourquoi une bibliothèque René Maran ?

Enfin, vers douze ou treize heures, l’émission radiophonique Le Grenier de Montmartre, avec ses chansonniers qui terminaient ainsi : « Pour emmerder le monde par la voix des ondes, il y a… il y a les chansonniers. Au revoir, au revoir notre émission est terminée, nous fermons notre grenier. »

Lucien Dupin

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