Installée en 2003 dans ce qu’il reste du complexe des Ateliers de Bacalan, l’association Le Garage Moderne est un garage associatif, espace de création artistique et lieu culturel. En vingt ans, ses activités se sont développées autour de la fabrication, de la création et du « do it yourself », accueillant de nombreux artistes et structures à la recherche d’espaces pour faire. Ce lieu de vie est pourvu d’une cantine qui propose des repas le midi et réalise des repas solidaires pour les plus démunis. De nombreux évènements sont aussi organisés au Garage Moderne en lien avec les associations et les artistes locaux.
Histoire du lieu
- 1870
Création des Ateliers Généraux par le service maritime. - 1879
Les Ateliers et Chantiers de l’Océan fusionnent avec les ateliers de La Dyle de Louvain (Belgique) sous le nom DYLE & BACALAN : 160 000 m2 (ateliers 62 000, habitations ouvrières 26 000 m2).
Fabrique des voitures du tramway de Cadillac. - 1909/1910
DYLE & BACALAN procèdent à de nombreux investissements et produisent du matériel pour chemins de fer, tramways, machines à vapeur, matériels frigorifiques, tout en continuant à construire des navires – tels le contre-torpilleur L’Étendard, le torpilleur Boutefeu et le Lansquenet), ainsi que des obus et des bombes pendant la guerre 1914/1918. - 1916
DYLE & BACALAN emploient 2 500 personnes. Après la guerre, ils s’orientent vers la construction d’avions (Breguet 14) et d’hydravions. La surface occupée est de 740 ha, 5 000 personnes sont employées ! - 1926
Premier prototype d’avion métallique, le DB 10, bi-moteur, bombardier de nuit. Fabrication du téléphérique du Pic du Midi. - 1927
Les Ateliers et Chantiers maritimes du sud-ouest acquièrent les chantiers navals de mécanique et chaudronnerie de DYLE & BACALAN sous appellation ACSOBR. - 1929
Le département aviation de DYLE & BACALAN est repris par la Société Aéronautique Bordelaise (SAB). L’usine de Bacalan ne produit que certaines pièces et ne compte plus que 350 ouvriers en 1932. - 1935
La SAB ferme. Le groupe POTEZ/BLOCH reprend l’usine de Bacalan sous le nom de la SASO (société Aéronautique du Sud Ouest) pour produire des bombardiers de nuit
Bloch 210, puis Bloch 220 de transport. - 1936
Loi du 11 août de nationalisation des entreprises travaillant pour la Défense nationale. La SASO de Bacalan et l’UCA (Union Coopérative Aéronautique) de Bègles regroupées sous le nom de SNCASO (Société Nationale Construction Aéronautique du Sud-Ouest). - 1938
Grève générale à Bacalan. Fermeture de l’usine d’aviation, réouverture en décembre et licenciement du personnel encadrant. - 1940
Réouverture des ateliers par les Allemands : les ouvriers sont rappelés pour fabriquer des avions pour l’Allemagne et ce jusqu’en 1944, date à laquelle les ateliers sont transférés à Saint-Astier (Dordogne). - 1945
La SNCASO déménage à Mérignac. - 1949
Fermeture définitive des ateliers de Bacalan. - 1960 à 1990
Le site sera exploité par la société WANNER comme lieu de stockage. - 2003
L’association du Garage Moderne s’y installe. En 2010, la mairie fait l’acquisition du bâtiment afin de le sauvegarder.
Histoire de l’association Garage Moderne
Elle débute en 1999 avec Béatrice Aspart qui rêve de créer une galerie d’art, Boufeldja Labri photographe et mécanicien, qui lui, rêve de créer un garage associatif et avec l’artiste peintre Véronique Gogrin. Le projet se dessine et se concrétise en octobre 2000 par la location, rue Achard, d’une partie d’un vieux hangar et le dépôt des statuts de leur association. Ouvert deux jours par semaine à ses débuts, le Garage Moderne ne tarde pas à déménager en 2003 et s’installe dans de nouveaux locaux à proximité, 1, rue des Étrangers (2 200 m2). Ils savent déjà quoi faire de cet endroit : « un truc original avec des coins où l’on peut s’asseoir, des choses à regarder, des rencontres à faire, un lieu ouvert à tout le monde » (dixit Béatrice). Régulièrement, ils accueillent des projets culturels (concerts, expos, théâtre).
Le Garage Moderne se fait ainsi connaître par ses activités mécaniques et ses événements artistiques, qui attirent un large public et de nombreux bénévoles. Sa notoriété et son développement permettent la création du premier emploi salarié.
En 2009 La Poste offre 350 vélos de facteurs à remettre en état, l’atelier cycles est créé et le Garage Moderne est sollicité par la Mairie de Bordeaux pour accueillir en ACI (Atelier chantier d’insertion) la réparation et l’entretien des vélos de la ville. En 2012, une formation qualifiante de mécanicien permet d’accueillir 11 stagiaires par an et le Garage Moderne compte 25 salariés dont 11 en CDI.
Béatrice et Boufeldja quittent alors le Garage Moderne pour se consacrer au Bar de la Marine qu’ils viennent de reprendre.
Jeanine BROUCAS et Sophie OLIVIER
Le garage aujourd’hui
À quoi sert ce garage ?
C’est à la fois le lieu où amener sa voiture quand elle ne tourne plus rond et l’espace de toutes les appropriations. C’est un service d’experts et le parking de la maison duquel on peut sortir l’automobile et ses vélos pour faire place à tout ce qui déborde du quotidien. Dans un Garage, on bricole, on construit des cabanes, les ados installent un canapé, une batterie.
Parfois, on y fait des conserves, on peut aussi y installer un établi ou des trains électriques.
Le Garage Moderne est un garage dans les deux sens du terme, c’est un plateau assez accueillant pour réceptionner à peu près tout : un char de carnaval comme une 205 en panne. On y a même construit deux sous-marins.
Aujourd’hui, le Garage est une ruche qui organise une grande collision d’activités que rien ne rapproche a priori, mais qui font sens ensemble.
Les mécaniciens réparent avec les adhérents et, face aux capots ouverts et aux cadres de vélo, les bénévoles s’affairent pour livrer l’aide alimentaire.
L’atelier vélo fabrique des remorques pour que les jeunes de l’Ubaps (Union de Bordeaux-Nord des Associations de Prévention Spécialisée) puissent livrer les paniers alimentaires de Gargantua.
Les résidents sont occupés, chacun à leur ouvrage dans leur atelier de menuiserie, de sculpture, de peinture. Les portes (quand il y en a) restent ouvertes et on peut passer la tête, discuter et boire un verre ou manger un bon plat.
Le Garage accueille aussi des services civiques, des stagiaires, des bénévoles et quiconque a décidé de mettre un pied dans le monde de la fabrication et de la réparation.
Donner la main
Tous les ateliers du Garage Moderne ont, côté pile, un volet productif, constitué d’activités économiques, et, côté face, des actions servant l’intérêt général en organisant des moments de partage.
Les mêmes équipes et les mêmes espaces servent à produire pour financer l’association et à mener des projets avec et pour des publics qui en ont besoin.
Il est un lieu de solidarité et d’aide mutuelle. On y apprend en faisant, il y a dans chaque atelier des occasions de « donner la main » pour contribuer à un projet collectif et pour apprendre.
Faire culture commune
Le Garage Moderne est un lieu culturel, qui s’est construit sur mesure. Ce n’est pas un lieu qui se contente de diffuser des œuvres, mais qui donne accès aux coulisses de leur fabrication. Il accueille aussi bien les temps de fabrique et d’assemblage que l’œuvre terminée. Les espaces sont toujours en montage, en transformation, en préparation pour un autre projet. On y voit un chantier perpétuel.
Cette industrie culturelle voisine avec les activités d’ateliers utilitaires, mais partage les mêmes espaces, les mêmes outils et les mêmes valeurs.
Matthieu CETTO et Julien GORET
Projet stratégique
À terme, le Garage sera toujours le même espace indéterminé, qu’on n’hésite pas à meubler d’activités salissantes et encombrantes. Il sera simplement plus confortable, plus lumineux, et il pourra accueillir plus.
Le « problème » actuel du Garage est aussi ce qui fait sa beauté : le voisinage sans filtre d’espaces publics et de zones de production est à la fois exceptionnel et ingérable du point de vue logistique et sécuritaire.
L’intervention sur le bâtiment consistera à séparer ce qui doit l’être mais aussi à mieux organiser l’intégration de ses activités dans le voisinage, en travaillant sur l’isolation phonique et les points de sortie du public.
L’objectif du projet est d’accueillir plus et mieux sans casser la perspective et la magie du lieu. Nous ajoutons de la surface, principalement pour accueillir le Jeune Ballet d’Aquitaine. Cette nouvelle structure résidente apportera au quartier une toute nouvelle offre de pratique artistique, et une nouvelle diversité d’habitants : danseuses et mécanos sous le même toit !
L’étrange garage moderne
Le Garage Moderne est devenu un des rares vestiges du passé industriel des Bassins à Flot. Si son environnement s’est largement transformé au cours des quinze dernières années, le bâtiment de 2 600 mètres carrés semble être resté intact.
Pour pérenniser les activités de l’association, la Mairie a fait l’acquisition du bâtiment en 2010 et un bail emphytéotique a été signé. Les habitants du lieu ont su adapter l’espace à leurs besoins – et continuent de le faire quotidiennement – en créant des mezzanines, du mobilier, en réutilisant les anciens bus scolaires de la ville comme bureaux, ou en construisant des dômes géodésiques pour créer des espaces plus confinés. Mais ils ont atteint leurs limites en termes d’exploitation : ils manquent de place, ont froid et souhaiteraient pouvoir accueillir leur public dans de meilleures conditions, tout en continuant de diversifier leurs activités, héberger de nouvelles structures, s’ouvrir davantage sur l’extérieur tout en tenant compte du contexte d’habitations qui les entoure désormais.
L’association a donc pris l’initiative d’engager la réhabilitation du bâtiment. Nous travaillons main dans la main depuis fin 2019 pour créer un projet qui réponde à leurs besoins, tout en respectant le lieu et son identité. Inscrit au titre des Monuments historiques en 2021, le bâtiment existant sera peu transformé, mais il sera réparé, conforté et sa charpente remarquable sera valorisée. Un gros travail d’isolation thermique et acoustique sera réalisé et des ouvertures seront créées pour apporter davantage de lumière naturelle. Toutes les menuiseries seront remplacées. Des planchers supplémentaires seront créés dans la partie ouest et accueilleront une école de danse. Les usages seront peu modifiés, l’atelier auto et la cantine seront au même endroit. La nef sera modulable, et pourra accueillir des spectacles assis ou debout dans un espace isolé ou être laissée ouverte pour former un grand espace libre et appropriable avec la cantine et le foyer, comme c’est le cas actuellement.
Le Garage Moderne, peu transformé, sera plus confortable et adapté pour tous !
Nicole CONCORDET, architecte
Le garage moderne « hors les murs »
Pendant les travaux, le Garage Moderne va déménager. Il n’ira pas loin et se relocalisera dans le bâtiment H de la zone d’activités Achard.
Nous serons accueillis par la famille Bret Gaubaste, que nous remercions.
Le Garage troquera provisoirement son usine XIXe contre le hangar « Mondrian », ancienne raffinerie, visible depuis la station de tram New-York.
L’association rejoindra ainsi la Cité bleue, et contribuera à la vie de cette ville dans la ville en y apportant sa programmation, ses adhérents et son histoire. Elle ne sera pas seule dans son espace : le volume sera partagé avec la compagnie de trapèze volant Crazy R, qui propose des stages acrobatiques, et la réserve du Théâtre national de Bordeaux Aquitaine.
Tous les ateliers déménagent dès novembre (auto, vélo, cantine et événements) avec tous les résidents du Garage (artistes, menuisiers d’Ublik, Low Tech Bordeaux…).
La ZA Achard ou Cité bleue abrite déjà de nombreux partenaires du Garage, comme la Régie de quartier de Bacalan ou la Fondation Abbé Pierre, ainsi que de nouveaux acteurs comme Art Flo et L’Arche, qui comme nous aiment fabriquer, réparer et recycler.
L’objectif de cette période hors les murs n’est donc pas seulement d’avoir un toit au-dessus de la tête, c’est aussi l’occasion pour le Garage de se rapprocher du « nord de Bacalan », de nouer de nouveaux liens et de revenir dans son bâtiment historique riche de nouvelles rencontres d’ici à l’été 2025.
Matthieu CETTO et Julien GORET
Jeune ballet d’Aquitaine
Le Jeune Ballet d’Aquitaine prendra, après travaux, ses quartiers au Garage Moderne.
Le journal Bacalan a rencontré son directeur délégué : Benoît Baxerres
Pouvez-vous nous présenter le Jeune Ballet d’Aquitaine ?
Nous sommes une association loi 1901 fondée en 1984 qui propose une formation professionnelle de haut niveau à destination de danseurs issus des conservatoires et des écoles privées françaises ou internationales. Ce dispositif de formation permet au danseur, futur professionnel, de poursuivre la construction de son identité artistique, d’acquérir de l’expérience et de favoriser son insertion. Les danseurs recrutés dans la formation sont dotés d’un fort potentiel et d’une grande ouverture d’esprit. Ils sont accompagnés et nourris dans leur recherche par l’équipe pédagogique et par de nombreuses personnalités artistiques et chorégraphes issus de la filière. Professionnels reconnus ou émergents, ils invitent les danseurs à explorer différents courants de la création artistique et processus créatifs. Pour partager leur talent et leur créativité, nous proposons chaque saison plusieurs temps de rencontre avec le public en lien avec la programmation culturelle de nos partenaires mais aussi sur des formats originaux dans des lieux inattendus.
Vous arrivez dans un lieu où on ne s’attend pas forcément à vous trouver…
Beaucoup plus que vous ne le pensez. Nous sommes animés par la passion de notre métier, par le désir de partager, de donner et de recevoir, de faire ensemble, dans le respect de nos différences et dans la dignité. Nous sommes inspirés par l’idée de proposer un angle de vue insolite sur notre art. Investir un lieu de production, de solidarités, de brassage culturel, et confronter nos pratiques est pour nous une évidence, voire une nécessité. Le Garage Moderne et les projets portés en coopération avec le tissu associatif ont vocation à nourrir la diversité des expressions culturelles et à favoriser les interactions entre les cultures. C’est aussi un lieu de solidarités où sont mis au travail les droits culturels. Autant de valeurs auxquelles nous sommes attachés.
Comment s’est faite la rencontre, pas si insolite, à vous écouter, qu’il n’y paraît ?
La première rencontre avec l’équipe du Garage Moderne a eu lieu en 2015 et depuis nous poursuivons une forme de complicité. C’est également une rencontre de vision. La réhabilitation de ce bâtiment historique, vestige du passé industriel dans lequel nous nous inscrivons, nous permettra de poursuivre et d’amplifier notre contribution pour permettre à chacun d’accéder à une capacité d’agir plus grande, à être plus autonome, à s’émanciper des relations de domination, pour participer avec les autres au mieux vivre ensemble.
Directrice Artistique du Jeune Ballet d’Aquitaine, chorégraphe et pédagogue de premier plan, Christelle Lara se forme à l’Académie Bordelaise de Danse avec Maître Paoli et devient Soliste du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux de 1985 et 2005 sous les directions de Wladimir Skouratoff, Paolo Bortoluzzi, Eric Vu-An et Charles Jude. Elle travaille avec de nombreux chorégraphes comme Nils Christie, Carolyn Carlson, Robert North, Joseph Lazzini, Thierry Malandain, Ted Brandsen, Douglas Dunn, Christian Holder, Margo Sappington, Luciano Cannito, Jean Charles Gil, Eugène Polyakov, Tit Härm et d’autres… Elle interprète les grands rôles du répertoire et participe aux tournées internationales du Ballet de l’Opéra.
Professeur de Danse Classique diplômée d’état, elle enseigne à l’Académie Bordelaise de Danse, au Centre Eurodanse de 2005 à 2010 et au Junior Ballet d’Aquitaine de 2006 à 2010 sous la Direction de Daniel Agesilas, Directeur de la Danse au CNSMD de Paris. Claude Paoli lui transmet en 2010 la direction du Jeune Ballet d’Aquitaine au sein duquel elle fonde le Centre de formation Professionnelle en 2011.
Son professionnalisme et son ouverture d’esprit complètent une culture artistique large et diversifiée qu’elle transmet avec une grande humanité, elle accompagne les danseurs dans la construction de leur identité artistique, amène l’exigence de la danse classique aux différentes techniques de la danse contemporaine et affirme l’importance de la réciprocité et des inter-relations entre les différentes esthétiques. Elle crée des passerelles entre la danse et d’autres arts en développant de nombreux projets en lien avec les intervenants de la formation, les acteurs culturels du territoire et la communauté artistique.
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