Du coin du boulevard où j’habite, il fait partie de mon trajet matinal à la recherche du pain frais quotidien ou d’un courrier à poster, ou bien d’une halte Bibli. Tous les jours, je le vois dans son atelier, au travail. Une activité incessante pour permettre à chaque voiture cabossée de se refaire une beauté.
Artisan carrossier, au départ chez Robert sur les boulevards, Thierry décide en 2009 de s’installer à Bacalan. Pourquoi Bacalan ? Tout simplement parce que toute sa vie est ancrée dans ce quartier. Il y demeure depuis 41 ans. Au départ, il habitait la fameuse Cité Lumineuse. Il lui a suffi de traverser la rue, comme dirait un certain Président. À chaque passage devant son atelier de carrosserie « Réparations toutes marques » (comme je l’avais baptisé !), je vois un garage artisanal tel que je l’ai toujours imaginé : sans réceptionniste en blouse blanche qui vous parle mécanique du bout des lèvres, mais tenu par un homme avenant, manches retroussées avec du cambouis ou de la peinture sur les mains. Il vient à votre écoute, juge les travaux et vous en donne estimation. À le voir travailler, poncer, débosseler, chercher les pannes sous le capot… cela rassure. La seule protection du garage est une simili barrière, une corde blanche et rouge qui limite l’entrée, transparente, amusante, bon enfant mais efficace.
Sa réussite, il la doit bien sûr à la qualité de son travail mais aussi à l’aide précieuse de sa femme Malika, qui assure tout le suivi administratif, comptabilité, commande des pièces, relation avec les assurances et les clients, etc… Et qui permet ainsi à Thierry de s’exprimer à part entière sur la mécanique ; réussite parfaite d’un couple bacalanais, avec en prime trois enfants, deux filles et un garçon. La fille aînée Océane était apprentie boulangère chez M. Laugery, le cadet Timy sera carrossier comme papa et la benjamine Flora est coiffeuse. Tous ont été écoliers à l’École Labarde (aujourd’hui Anne Sylvestre).
En 18 ans, les arbres ont poussé sur la rue, le tram est arrivé et le quartier est en pleine effervescence. Mais au fil du temps, les commerces de proximité ont cessé leurs activités. C’est regrettable, le cheminement depuis le coin de ma rue a perdu son côté villageois : plus de coiffeur, de boucher, de mercier, d’épicier, de fleuriste. À côté des associations incontournables et du théâtre Le Cerisier, le garagiste carrossier demeure et son activité perdure. Il continue à donner âme à ce quartier. Il résiste, quel plaisir d’abord pour les autos cabossées et en travaillant dur, il diffuse son bien vivre.
Charles COUDRET
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