Une merveille de réédition par Le Festin
René Maran fut longtemps pour moi comme pour beaucoup le nom d’une place, celle du boulanger précisément. Il aura fallu l’attribution du dernier prix Goncourt à un jeune Sénégalais, pour se rappeler que le premier prix Goncourt attribué à un Noir remonte à un siècle, et qu’il s’agissait de René Maran pour son roman Batuala. Il dénonçait clairement dans cet ouvrage la colonisation en Oubangui Chari (l’actuelle République Centrafricaine). Descendant d’esclaves affranchis, il est né sur un bateau qui conduisait ses parents de Guyane en Martinique. Il arrive à Bordeaux à l’âge de sept ans, délaissé par sa famille pour lui permettre de faire des bonnes études. Dans Le Cœur serré roman quasi autobiographique, il évoque sa jeunesse bordelaise faite de mélancolie, de solitude, de travail mais aussi d’amitiés. La préface d’Agathe Rivière-Corre resitue l’histoire de l’auteur, mais aussi le talent de l’écrivain et son engagement. Elle rappelle que Michel Suffran – spécialiste des écrivains bordelais – l’inclut dans la liste de ces poètes et romanciers qu’il dit appartenir à la « génération perdue » : François Mauriac, Jacques Rivière, André Lafon, Jean Balde, Jean de la Ville de Mirmont… Si René Maran a apporté à la littérature, il a beaucoup apporté à l’humanité. À sa mort, Aimé Césaire dira qu’il a été un nom essentiel pour les hommes de culture noire, qu’il était le premier à avoir révélé l’Afrique. Senghor voyait en lui le précurseur de la négritude en francophonie. Outre un vrai plaisir de lecture pour ce livre, la place Maran m’apparait désormais différente…
Christian Galatrie
Le Cœur serré, René Maran, 186 pages (15 €, Éditions le Festin)
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