Il n’invente pas, il raconte
Salut l’Artiste !
Rendez-vous pris « pour causer », il a sonné à ma porte à l’heure dite. On ne se débarrasse pas ainsi de son ADN-SNCF, sa famille au sens très large du terme.
Lucien Dupin, 84 ans, natif de Bacalan, n’est donc pas un perdreau de l’année. À la manière d’un griot* d’ici, il retrace son parcours. Chaudronnier-vapeur, il entre à la SNCF comme apprenti à 14 ans et termine sa carrière à 50 ans comme conducteur-diesel, après avoir conduit dix années durant des trains à vapeur aux escarbilles virevoltantes dans les campagnes traversées, sous le regard de vaches- bio. Maintenant , Lucien Dupin est un artiste peintre abstrait, réputé, récompensé, du nom de Kleber.
« La peinture, Charles, c’est la couleur, l’éclairage… ». Sa passion fut déclenchée à la vue des œuvres des peintres de la Renaissance. Un coup de foudre qui deviendra vite obsessionnel. Curieux, opiniâtre, entêté, il veut pratiquer. Seul d’abord, il bégaye sa peinture. Il lui faut apprendre les techniques rudimentaires, il cherche alors un guide-professeur. À l’UAICF (Union artistique et intellectuelle des cheminots français) qui propose de nombreuses activités, il adhère au club-peinture. Là, il apprend, il échange, il compare, il participe, mais ça coince quelque part. Insatisfait, il décide d’élargir ses horizons. iI comprend vite que dans l’art qui le passionne, il ne peut se contenter d’un entre-soi où il s’étiole. Il décide alors de faire un tour de France des ateliers de peintres, à Paris, à Pontaven, à Avignon, où il entre à l’Académie de peinture…
Chez lui, dans son atelier qu’il a agencé lui-même, presque ordonné, au milieu du saint-frusquin des peintures et des chevalets, règne l’odeur. Là, paisible, il crée l’émotion qu’il veut transmettre. Pas une minute à perdre, insubmersible il se veut, mais en fait , il l’est. Alertes de santé, triple pontage, détours contraints deux ans en Algérie, ce super actif, à la manière d’un Michel Morin** sait presque tout faire (il construira une maison, un bateau pour naviguer sur les canaux de France etc…etc…), profitant parfois des aides cheminotes pour un coup de main et de la patience infinie de sa femme, Juliette.
C’est à Paris, près de Montparnasse qu’il force en douceur la porte de celui qui deviendra son mentor, Zao Wou-Ki, artiste établi. Celui-ci le reçoit fort civilement, voire amicalement. Lucien écoute, observe, respire l’art. Au paradis tout simplement. L’émotion seule domine, le rêve aussi, peu importe le reste. Lucien arrivera à ses fins. Kléber éditera et exposera notamment à Montmartre, rêve devenu réalité. Il exposera entre autres à Bordeaux et Barcelone, au Louvre et au Grand Palais… Fichtre !
Peintre reconnu, néanmoins toujours curieux, Lucien s’initie maintenant à la photo tout simplement au club de l’Amicale laïque.
Bacalan recèle bien des surprises, bravo Lucien. Du Beau, du Bon, Dupin !
Charles Coudret
* Conteur et sage africain.
Site :kleber33.monsite-orange.fr
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