La presse s’est fait l’écho de l’inauguration d’un nouveau Petit Mousse au Jardin public le 26 juillet dernier. Celui qui nous préoccupe ici n’est pas ce fac-similé récemment mis en eau, mais c’est l’historique, celui qui a rempli d’étoiles les yeux de générations de petits Bordelais. Après avoir transporté plus de quatre millions de passagers, réalisé l’équivalent de trois tours du monde dans un rayon de 300 m, l’emblématique embarcation méritait reconnaissance.
Une bande de « doux rêveurs »
C’est l’expression utilisée par le guide conférencier bordelais Yves Simone pour décrire l’obstination de quelques passionnés, sensibles à la préservation du patrimoine de leur ville : « C’est l’écrivain Michel Suffran, le poète très attaché à l’enfance, qui en 2010 s’inquiète de la disparition du bateau du jardin public. On apprend qu’il est en cale sèche dans les serres de la ville au Haillan, abandonné et sans protection* ». Le fol espoir de voir à nouveau naviguer le bateau incite le petit groupe à créer l’association « Va Petit Mousse », afin de réunir les moyens financiers de sa restauration et de sa remise en exploitation. Yves Simone, son Président raconte : « Dès l’arrivée des premiers devis, on a vite compris que ce ne serait pas possible, que cela conduirait à un coût exorbitant, sans garantie d’obtenir les certificats de navigation pour le transport des publics, la législation ayant beaucoup évolué. » Dès lors, l’association part à la recherche de mécènes pour construire un nouveau bateau, réalisé par les chantiers Dubourdieu et désormais en service.
Made in Bacalan
Bernard Paquier, « cheville ouvrière » de l’association, s’est intéressé aux origines du Petit Mousse : « On évoque souvent la date de 1893, en fait, cette date correspond probablement à la seule autorisation de navigation prononcée par le Conseil municipal. Mais le bateau a été construit plus tard. Dans un autre registre du Conseil municipal de 1897, j’ai découvert récemment qu’il est fait état de la commande du bateau auprès des Chantiers DYLE ET BACALAN ». Cette découverte de la construction du Petit Mousse par Dyle et Bacalan témoigne du dynamisme et des capacités de ce fleuron industriel que constituait cette entreprise, bien connue pour ses activités ferroviaires ou aéronautiques.
La boucle est bouclée
Restait pour l’association une mission essentielle : trouver un endroit digne pour conserver l’objet patrimonial et le donner à voir au public. Ce n’était pas chose facile. Yves Simone laisse échapper un rire : « On a tout entendu ! On nous a même proposé de le poser sur un rond-point pour y planter des géraniums… » Plus sérieusement, Norbert Fradin a proposé à l’association d’accueillir le Petit Mousse au Musée Mer Marine. Une convention de prêt est en cours d’élaboration. Le bateau a fait l’objet d’un travail de lifting réalisé par un charpentier de marine, à la charge de l’association. Le Petit Mousse devrait rejoindre une salle d’exposition en septembre ou octobre… tout près du lieu qui l’a vu naître.
Christian Galatrie
* « reclus en son exil, à demi disloqué et rongé de cette lèpre où l’oubli dispute à la rouille son ultime coup de grâce » (Michel Suffran, Dossiers d’Aquitaine Novembre 2010).
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