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A propos du Vril. Ou quand l’art flirte avec l’idéologie

12 Avr 2016 | 0 commentaires

En regard de l’actualité et de la polémique actuelle nous souhaitions vous rappeler l’article intitulé « A propos du VRIL. Ou quand l’art flirte avec l’idéologie. » de Serge Pradoux, paru en page 3 du n°52
« L’originalité » voulue de ce texte, incluant des références culturelles, généralistes et documentés sur l’art contemporain nous semble importante.

« -Tiens, me dis-je, une soucoupe volante en guise de signalétique pour l’accueil des gens venus d’ailleurs! »
Dans ce nouveau quartier qui subit les pulsions érectiles de l’urbanisme vertical de Nicolas Michelin, c’est gonflé ! Belle idée, décalée, audacieuse que cet « ….encouragement à envisager un avenir différent, un avenir à imaginer et à construire « comme l’affirme l’artiste conceptuelle Suzanne Triester dans le supplément Garonne de Bordeaux métropole.
Art conceptuel ou contemporain, pourquoi pas ! Le « Lion bleu » de Xavier Veilhan posé place Stalingrad, après tout n’est pas dérangeant  »
Ah ! On me dit dans l’oreillette que l’œuvre se nommera « Vril » et qu’elle va atterrir prés de la base sous-marine.
A L’évocation de ce nom résonne le bruit des bottes (cf l’article de Luis Diez, journal de Bacalan N°51).
C’est important les mots, non ? Et les lieux, donc ! Opportunément (?!) nommer l’objet symbolique de la barbarie puis impudemment et discrètement le déposer « A l’hombre des absents »* sur le lieu même du crime, au nom de la liberté d’expression. L’expression de l’ignorance et du mépris sans doute?
Forme de radoub, silos, écluses, grues Wellmann et Gaillard, il y a dans le passé ouvrier Bacalanais les traces de l’effort et l’odeur de la sueur. On finira, et c’est tant mieux, à coup d’exposition et de créativité à rendre supportable et esthétique la violence des bunkers et de la base sous marine puisqu’ils sont indestructibles.
Expression libre, apologie du crime ? Si la première est l’honneur de l’art, la seconde prouve la difficulté du discernement et la perméabilité de sa frontière. « ….Une navette spatiale VRIL rutilante née d’un fantasme de puissance et de contrôle catalysé par une guerre nazie mais devenue un vaisseau spatial français, dynamisant l’histoire, la transposant dans l’époque actuelle et l’orientant vers un avenir hypothétique, comme un rappel de la guerre et du conflit (sic) mais aussi comme un….voir plus haut) S.Triester.
Chaque création échappe à son créateur. Chaque vision sera déformée. Doit-on pour autant censurer la créativité ?
Que Rauschenberg fasse les poubelles, expose ses collages de vieux journaux sur les murs du Guggenheim de Bilbao et explique ses coulures maladroites par l’argutie habile des » imperfections volontaires »….
Qu’Anish Kapoor reproduise le transit intestinal avec de la cire rouge le nommant « processus biologique naturel »….
Que Piero Manzoni utilise l’invention de Nicolas Appert pour conserver ses déjections.…
Que Xavier Veillan donne une seconde vie à l’objet déjà vu dans les vitrines de mode….
C’est heureux, écologique, novateur, circulaire, créatif, intelligent, précurseur, visionnaire et c’est surtout affaire de choix des noms et des lieux.
S’agissant du « Vril » de Suzanne Triesler le process est identique, le résultat plus délicat : récupération de l’acier du navire coulé en Garonne, re-création et quelques justifications improvisées pour, autrement dit, mettre l’art au service de cette doctrine sinistre voilée de culture et de philosophie.
Qu’est-ce que l’art conceptuel ?
« L’art conceptuel ne se soucie plus du savoir-faire de l’artiste car l’idée prime sur la réalisation. C’est l’idée qui a de la valeur, pas sa réalisation. »
Version courte (et personnelle) : « on » récupère et « on » accommode. L’idée est innocente, forcément, puisque c’est une vision d’artiste. « La race supérieure » on a vu et on n’a pas envie de revoir cette « vision » conceptualisée pétrie de candeur par l’artiste ambivalente. Cette ferraille militaire « rutilante » que semble valoriser le choix des mots et du nom, sent encore un peu trop la poudre. Est-il judicieux de banaliser ce déjà vu en ravivant le traumatisme de l’émotion et la résonance de l’horreur à l’évocation d’un passé passé par les armes, passé par les larmes?
Dans les jardins mal fréquentés, la nature va inéluctablement des semailles au regain.

Lire aussi :  Hors bord, diversité et pyramide

Il y a une issue de secours pour l’œuvre re-nommée et vidée de son sens équivoque.
Si l’artiste pousse la porte du tact, de l’empathie et de la mémoire, elle verra derrière cette porte, la salle d’attente de l’oubli où patientent sur des chaises bancales les fantômes du dernier Républicain espagnol et de l’ultime civil Bacalanais bombardé.
Dans l’ailleurs et le jamais car, ici et maintenant*, il y a comme un hic et un couac!
« À la plus parfaite reproduction il manquera toujours une chose : *le hic et nunc de l’œuvre d’art, l’unicité de son existence au lieu où elle se trouve. » Walter Benjamin, « l’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ».

* œuvre de Judith Avenel vue à l’institut Bernard Magrez Château Labottière 16 rue de Tivoli

David Vincent les a vus. Pour lui, tout a commencé au cours d’une nuit d’errance, sur une route de campagne solitaire, alors qu’il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva.

Serge PRADOUX

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